Guyenot de Châteaubourg (1745-1824), tour à tour agent pour le compte de plusieurs aristocrates, commis de la monarchie, maître de forges et concessionnaire de canal sut cumuler des fonctions diverses et jongler avec les affaires tout en traversant différents régimes. L'originalité du personnage réside dans son ascension sociale exemplaire, de l'Ancien Régime à la Restauration, et dans sa capacité à s'investir dans des entreprises innovantes, même si ses choix spéculatifs se soldèrent pour la plupart par des échecs. À l'échelle d'un itinéraire singulier et atypique, l'objectif de cette étude est de saisir la façon dont se cristallisent les stratégies d'un individu et les ressources tirées de ses relations sociales, et de lui restituer ainsi un rôle actif dans la construction de son capital relationnel - des liens de parenté, d'amitié, de voisinage, de clientèle ou de travail mais aussi l'appartenance à la franc-maçonnerie. Une lecture attentive de la correspondance permet de reconstruire ses réseaux dans la durée et de démontrer que l'économie est au coeur de leur fonctionnement. Fort de la densité de ses relations et de ses positions au sein de l'appareil d'Etat, Guyenot a réussi à actualiser les modèles économiques de la société de son temps : la distinction du rentier du sol, la respectabilité du maître de forges et le prestige du concessionnaire de canal.
Les péages constituent sous l'Ancien Régime un motif fréquent de plaintes de la part des voituriers qui dénoncent les lenteurs et les surcoûts imposés à la circulation marchande. Plus encore, le péage est mis en cause au XVIIIe siècle dans sa fonction et ses fondements. Attentive à la diversité des acteurs et des intérêts en jeu, Anne Conchon s'attache ici à montrer comment l'institution du péage s'est progressivement modifiée, pour survivre au démantèlement de la féodalité qui l'avait engendrée. La monarchie avait créé en effet une commission, chargée dans un premier temps de vérifier la légalité des perceptions et de réviser les tarifs, avant de tenter, sans y par-venir, de supprimer les péages. Ce n'est qu'après l'abolition des droits féodaux par la Révolution française, que l'État conféra à cette fiscalité une légitimité nouvelle. Cette redéfinition du péage, au cours du XVIIIe siècle, n'est pas seulement le fait d'une monarchie incapable de réformer sans achopper sur l'épineuse question des privilèges. Elle s'inscrit, plus généralement, dans les mutations économiques et sociales qui traversent en profondeur le siècle des Lumières.
L'accroissement des mobilités de passagers et des circulations marchandes constitue, à partir de la seconde moitié du xviiie siècle, un véritable défi pour les forces de l'ordre chargées de leur contrôle. Cet ouvrage entend saisir les dynamiques historiques de ce contrôle en Europe et aux États-Unis, par une analyse des acteurs, des pratiques et des lieux où il s'exerce de New York à Naples, d'Anvers à Marseille. Cette régulation des trafics présente des configurations différentes selon les modes de transport (voiture à cheval ou automobile, chemin de fer, navigation à voile ou à vapeur), les échelles d'observation et les types de mobilités. Résolument inscrite dans les évolutions récentes de ce champ de recherche, la démarche est ici empirique, attentive à la façon dont les institutions évoluent sans cesse à travers leur action. Ce faisant, cette étude entend montrer en quoi les dynamiques territoriales propres aux mobilités contribuent depuis le xviiie siècle à former, modeler, reconfigurer les pratiques de leur discipline et de leur régulation.
L'actualité de la création de la Métropole du Grand Paris qui redéfinit le périmètre de la capitale, resté inchangé depuis sa dernière modification en 1860, invite à une réflexion historique sur les limites de la ville. S'il s'agit d'un thème de recherches faisant l'objet de continuels renouvellements en géographie et en sociologie urbaine, la question des découpages parisiens reste relativement peu étudiée pour les périodes médiévale et moderne. Qu'elles circonscrivent la ville ou qu'elles la sillonnent, les limites constituent des facteurs essentiels à la compréhension et à l'interprétation des dynamiques urbaines. Étudier la façon dont elles sont vécues et perçues par les citadins permet en outre d'observer les fonctions diverses qu'elles jouent dans la construction des rapports sociaux et dans la territorialisation des pratiques.
Entre la fin du XVIIe siècle et le début du XIXe siècle, les États ont massivement encouragé la construction et l'entretien des infrastructures routières, fluviales et maritimes, pour des raisons tant politiques qu'économiques. Le financement de tels investissements, qui peuvent nécessiter d'importants capitaux, pose des problèmes spécifiques requérant l'intervention de l'État, et constitue un défi majeur dans les économies dites précapitalistes. L'objectif de ce livre, qui trouve un écho avec les enjeux actuels, est donc de comprendre comment certains États ont été en mesure, dans un contexte de fortes contraintes budgétaires, de financer d'ambitieuses politiques d'aménagement en mobilisant des ressources croissantes et diverses (péages, impôts, emprunts, réquisition de main-d'oeuvre, dons...). À travers des contributions traitant de la France, de l'Angleterre, de la Suède, de l'Électorat de Trêves et de la Chine, cet ouvrage s'attache également à saisir l'évolution des circuits financiers, des dispositifs comptables et des procédures de contrôle. Il propose en outre une réflexion à différentes échelles, sur les relations entre l'État et ses administrés, le gouvernement et les pouvoirs locaux, les autorités publiques et les acteurs privés.