"J'ai été aimantée par cette double mission impossible. Acheter la maison et retrouver les armes cachées. C'était inespéré et je n'ai pas flairé l'engrenage qui allait faire basculer notre existence.
Parce que la maison est au coeur de ce qui a provoqué l'accident."
En un récit tendu qui agit comme un véritable compte à rebours, Brigitte Giraud tente de comprendre ce qui a conduit à l'accident de moto qui a coûté la vie à son mari le 22 juin 1999. Vingt ans après, elle fait pour ainsi dire le tour du propriétaire et sonde une dernière fois les questions restées sans réponse. Hasard, destin, coïncidences ? Elle revient sur ces journées qui s'étaient emballées en une suite de dérèglements imprévisibles jusqu'à produire l'inéluctable. À ce point électrisé par la perspective du déménagement, à ce point pressé de commencer les travaux de rénovation, le couple en avait oublié que vivre était dangereux.
Brigitte Giraud mène l'enquête et met en scène la vie de Claude, et la leur, miraculeusement ranimées.
Prix Goncourt 2022
"Elle aurait pu renoncer. Elle aurait dû renoncer.
Elle se le répéta bien un million de fois toutes les années qui suivirent. Elle eut d'ailleurs une hésitation, peut-être valait-il mieux rester, se rallonger dans la chambrée, à écouter ses deux autres soeurs qui gesticulaient dans leur sommeil, pétaient et miaulaient sous leurs draps à cause de leurs rêves lascifs tout juste pubères. Peut-être valait-il mieux abdiquer, enrager, et se délecter de sa rage, puisqu'il y a un plaisir dans l'abdication, cela va sans dire, le plaisir tragique de la passivité et du dépit, le plaisir du drapage dans la dignité, on ne nous laisse jamais rien faire, on a juste le droit de se taire, on nous enferme, alors que les autres là-bas au loin s'amusent et se goinfrent, qu'est-ce que j'ai fait dans mes vies antérieures pour mériter ça, oh comme je suis malheureuse. Peut-être aussi que le jeu n'en valait pas la chandelle. Mais le jeu, n'est-ce pas, en vaut rarement la chandelle. Le jeu n'est désirable que parce qu'il est le jeu."
Avec une énergie unique, l'autrice explore les liens qui se tissent et se détissent, à travers l'histoire d'une famille frappée par une mystérieuse tragédie.
« Un meurtre c'est fait pour que quelque chose s'arrête. Est-ce que c'est possible que les choses s'arrêtent, que ce ne soit pas toujours le même aplat de tout, sur le même ton, à la même vitesse qui vous avale, irrespirable, le souffle court, ne plus avoir d'oxygène au cerveau à force, est-ce que c'est possible que tout le monde se taise, que le bébé se taise, que sa mère se taise, que le dealer se taise, que les flics se taisent, que les juges se taisent, que tous ils se taisent. Qu'ils fassent ce qu'ils veulent de lui, il leur donne son corps, mais qu'il puisse se taire, qu'ils le laissent ne plus répondre. »
Comment cet Aurel Timescu peut-il être Consul de France ?
Avec son accent roumain, sa dégaine des années trente et son passé de pianiste de bar, il n'a pourtant rien à faire au Quai d'Orsay. Il végète d'ailleurs dans des postes subalternes.
Cette fois, il est en Guinée, lui qui ne supporte pas la chaleur. Il prend son mal en patience, transpire, boit du tokay et compose des opéras... Quand, tout à coup, survient la seule chose au monde qui puisse encore le passionner : un crime inexpliqué.
Suspendu, ce plaisancier blanc ? À quoi ? Au mât de son voilier, d'accord. Mais avant ? Suspendu à des événements mystérieux. À une preuve d'amour qui n'arrive pas. À un rêve héroïque venu de très loin... En tout cas, il est mort.
Son assassinat resterait impuni si Aurel n'avait pas trouvé là l'occasion de livrer enfin son grand combat.
Contre l'injustice.
Avec tout son talent d'écrivain (Rouge Brésil, prix Goncourt 2001, Le Collier rouge, Immortelle randonnée...) et son expérience de diplomate (comme ambassadeur de France au Sénégal), Jean-Christophe Rufin donne vie à Aurel et nous le présente dans une première histoire. Ne nous y trompons pas : suivre cet anti-héros au charme désuet est un plaisir de lecture mais aussi un moyen de découvrir les secrets les mieux gardés de la vie internationale.
« J'ai un programme politique. Je suis pour la suppression de l'héritage, de l'obligation alimentaire entre ascendants et descendants, je suis pour la suppression de l'autorité parentale, je suis pour l'abolition du mariage, je suis pour que les enfants soient éloignés de leurs parents au plus jeune âge, je suis pour l'abolition de la filiation, je suis pour l'abolition du nom de famille, je suis contre la tutelle, la minorité, je suis contre le patrimoine, je suis contre le domicile, la nationalité, je suis pour la suppression de l'état civil, je suis pour la suppression de la famille, je suis pour la suppression de l'enfance aussi si on peut. »
Nathan vit avec sa femme et, en face de chez lui, au bout du jardin, il y a sa belle-mère Gaby, une poétesse magnétique dont il ne rate aucune lecture publique. De puissants investisseurs convoitent un terrain qui serait parfait pour y construire un parc d'attractions, mais Gaby, sa propriétaire, refuse obstinément de le leur vendre. Le député du coin s'en agace fortement. Nathan apprend, peu après, la mystérieuse disparition d'une randonneuse. Il lui semble que tout - le député, la randonneuse, le terrain, Gaby - est lié. En tout cas, c'est ce qu'il pense, lui qui nous raconte cette histoire où les morts vont étrangement s'enchaîner. Mais est-ce bien raisonnable de croire Nathan ?
"Mes croyances sont limitées, mais elles sont violentes. Je crois à la possibilité du royaume restreint. Je crois à l'amour", écrivait récemment Michel Houellebecq.
Le narrateur de Sérotonine approuverait sans réserve. Son récit traverse une France qui piétine ses traditions, banalise ses villes, détruit ses campagnes au bord de la révolte. Il raconte sa vie d'ingénieur agronome, son amitié pour un aristocrate agriculteur (un inoubliable personnage de roman - son double inversé), l'échec des idéaux de leur jeunesse, l'espoir peut-être insensé de retrouver une femme perdue.
Ce roman sur les ravages d'un monde sans bonté, sans solidarité, aux mutations devenues incontrôlables, est aussi un roman sur le remords et le regret.
Dans une France assez proche de la nôtre, un homme s'engage dans la carrière universitaire. Peu motivé par l'enseignement, il s'attend à une vie ennuyeuse mais calme, protégée des grands drames historiques. Cependant les forces en jeu dans le pays ont fissuré le système politique jusqu'à provoquer son effondrement. Cette implosion sans soubresauts, sans vraie révolution, se développe comme un mauvais rêve. Le talent de l'auteur, sa force visionnaire nous entraînent sur un terrain ambigu et glissant ; son regard sur notre civilisation vieillissante fait coexister dans ce roman les intuitions poétiques, les effets comiques, une mélancolie fataliste. Ce livre est une saisissante fable politique et morale.
Nathalia, une jeune femme photographe, consulte un psychanalyste. Elle prétend avoir perdu le goût de son métier après avoir photographié un meurtre.
Vrai ? Faux ?
Désoeuvrée, elle observe ses voisins d'en face. Le psychanalyste lui propose de raconter, par écrit - étage par étage -, ce qu'elle sait d'eux.
Les récits qu'elle lui dépose chaque semaine sont-ils imaginaires ou réels ?
De séance en séance, le Dr Faber et sa mystérieuse patiente se rapprochent de la vérité.
« Je vais écrire le catalogue de votre exposition » poursuivit Houellebecq. « Mais êtes-vous sûr que ce soit une bonne idée pour vous ? »
« Ainsi, Jed se lança dans une carrière artistique sans autre projet que celui - dont il n'appréhendait que rarement le caractère illusoire - de donner une description objective du monde. »
Michel, chercheur en biologie rigoureusement déterministe, incapable d'aimer, gère le déclin de sa sexualité en se consacrant au travail, à son Monoprix et aux tranquillisants. Une année sabbatique donne à ses découvertes un tour qui bouleversera la face du monde. Bruno, de son côté, s'acharne en une quête désespérée du plaisir sexuel. Un séjour au Lieu du Changement, camping post-soixante-huitard tendance new age, changera t-il sa vie ? Un soir, dans le jacuzzi, une inconnue à la bouche hardie lui fait entrevoir la possibilité pratique du bonheur. Par leur parcours familial et sentimental chaotique, les deux demi-frères illustrent de manière exemplaire le suicide occidental - à moins qu'ils n'annoncent l'imminence d'une mutation.
"Si je m'appelle Billie, c'est grâce à cette chanteuse américaine qui avait la plus belle voix du monde. Billie Pretty. Marcel me racontait cette histoire quand j'étais petite et que je n'arrivais pas à m'endormir."
Depuis qu'elle est enfant, Billie est élevée dans une petite ville de province par Marcel, son grand-père. C'est dans ce milieu modeste où chaque centime compte, où les distractions sont rares, qu'elle grandit.
Mais un jour d'été comme les autres, dans l'escalier de son immeuble, Billie rencontre Maxime. Avec lui, elle découvre l'amitié, la confiance et l'amour. Ils vont se perdre, se retrouver, se perdre encore...
C'est l'histoire de deux personnes qui s'aiment depuis l'enfance, mais pas en même temps. C'est l'histoire d'une petite fille qui croit en sa légende personnelle même après que celle-ci s'est effondrée. C'est l'histoire de Billie, qui va tout faire pour exister.
Paris, 1935
Lors de la première du Rigoletto de Verdi à l'Opéra-Comique, un jeune ténor défraie la chronique en volant la vedette au rôle-titre. Le nom de ce prodige ? Elio Leone.
Né en Italie à l'orée de la Première Guerre mondiale, orphelin parmi tant d'autres, rien ne le prédestinait à enflflammer un jour le Tout-Paris. Rien ? Si, sa voix. Une voix en or, comme il en existe peut-être trois ou quatre par siècle.
Cette histoire serait très belle, mais un peu trop simple.
L'homme a des failles.
D'ailleurs, est-ce vraiment de succès qu'il rêvait ?
En mettant en scène avec une générosité folle et une grande puissance romanesque d'inoubliables personnages, Alexia Stresi nous raconte que ce sont les rencontres et la manière dont on les honore qui font que nos lendemains chantent et qu'on sauve sa vie.
« Jamais personne ne me retrouvera ici », m'avait dit Vadim en débarquant l'hiver dernier.
Y ai-je cru moi-même durant toute cette année passée à ses côtés ?
Une année à le regarder écrire dans la vieille bibliothèque aux larges baies vitrées tournées vers l'Orient.
Pour qui écrivait-il ?
Pour lui ? Pour elle ? Pour les pages arrachées de l'histoire du monde ?
Pour que je puisse à mon tour raconter son histoire ?
Des plaines de l'URSS où il est né en passant par les plus grandes villes d'Europe, de la grâce de l'archipel de Bréhat jusqu'aux paysages sublimes de l'Himalaya, le destin de Vadim brasse aussi celui d'un XX siècle troublé. Le meurtre de son père et son don pour les échecs vont le conduire à la gloire et à l'exil, dans une quête éperdue, tandis que le mystérieux regard d'une femme l'amènera à découvrir les hautes lumières du Tibet, la vérité de la nature et le secret de son enfance.
Un parcours initiatique qui nous emmène vers la plus bouleversante des réconciliations.
Un matin, l'esprit de Joséphine s'emballe lorsqu'elle découvre qu'elle est enceinte. En l'absence de son mari, Vincent, en déplacement pour le week-end, son coeur se gonfle de ce bonheur à venir. Elle n'est sûre de rien, se dit qu'il est trop tôt pour se réjouir mais imagine déjà un monde plus grand. Elle attend Vincent, encore et encore le dimanche soir. Il ne rentrera pas.
Sans lui, la jeune femme perd pied. Devant la cruelle synchronisation des événements, elle ne sait plus si elle est prête à accueillir un bébé. Pour la première fois de sa vie, elle choisit l'inconnu et part pour la Bretagne, à Locmariaquer, dans cette vieille maison en ruine que Vincent voulait à tout prix conserver en mémoire de son grand-père. Joséphine s'enfuit, n'emportant rien d'autre que son chat Georges, et laisse à Paris sa vie, son métier, ses amis, espérant trouver face à la mer un nouveau souffle.
Anna est encore une enfant quand son père meurt brutalement. Elle remplit son absence par quelques objets hétéroclites, par des histoires qu'on lui a racontées et par son puissant imaginaire. Jeune femme, elle comprend qu'elle connaît très peu celui qu'elle s'est inventé en héros. À partir d'un répertoire qui lui a appartenu, elle se lance sur ses traces, arpente les villes d'Italie, d'où il était originaire, et remonte pas à pas l'histoire de sa famille. On la suit dans ce voyage où elle découvre les mille vies de son père, dont certaines sont fabuleuses et d'autres d'une noirceur d'encre.
Même le bruit de la nuit a changé se lit comme une enquête sur un homme passionnément romanesque. Mais c'est aussi un livre sur l'enfance orpheline et la construction de soi avec le manque. L'écriture et le temps long pris pour déplier les pans visibles ou cachés d'une vie et d'une relation en font un roman magnifique sur l'amour d'une fille pour son père.
Voici l'odyssée désenchantée d'un informaticien entre deux âges, jouant son rôle en observant les mouvements humains et les banalités qui s'échangent autour des machines à café.
L'installation d'un progiciel en province lui permettra d'étendre le champ de ses observations, d'anéantir les dernières illusions d'un collègue - obsédé malchanceux - et d'élaborer une théorie complète du libéralisme, qu'il soit économique ou sexuel.
Dix ans ont passé depuis la mort de son père, mais les circonstances de sa disparition ont été si peu ordinaires que Benoit Cohen devait un jour en raconter l'histoire. Accompagné par sa mère et ses frères, il a cherché à empêcher son père de souffrir sans éveiller les soupçons de cet homme terrorisé par la mort. Le déni tenace et presque irraisonnable de ce père face à ce foudroyant cancer dont il est atteint nous révèle un être bouleversant. Par respect et amour pour lui, sa famille va tout tenter pour trouver en secret un moyen de l'aider à partir en douceur. Mais ils se heurtent à l'absurdité d'un système dans lequel l'accès aux soins palliatifs reste réservé aux plus chanceux et qui interdit le recours à l'euthanasie pour soulager les malades.
Dans cet hymne à la vie, Benoit Cohen met en scène, avec autant de délicatesse que de lucidité, la manière dont nous avons le droit et le choix, ou non, de mourir aujourd'hui en France.
« Roman d'anticipation autant que de mise en garde, La possibilité d'une île est aussi une réflexion sur la puissance de l'amour. Vite vient l'envie de comparer sa propre lecture à celle des autres. S'il est des livres que l'on a envie de garder pour soi, il n'en est décidément rien avec ceux de Houellebecq, comme s'ils offraient, à chaque fois, la possibilité d'une confrontation. »
Franck Nouchi, Le Monde
« Ce roman vous ébranle profondément. C'est la force visionnaire d'un Aldous Huxley et la cruauté d'un Evelyn Waugh. Un taureau enragé dans le magasin de porcelaine de la fiction contemporaine. »
David Coward, Times Literary Supplement
« Michel Houellebecq fait là du grand art tant son écriture est honnête, précise, crue et vraie. Au-delà des thèses sur la fin des religions ou le rêve d'un Homme Nouveau, il s'agit surtout d'un livre sur la peur. »
Volker Weidermann, Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitung
Quand Éva débarque à New York, elle a plus d'une idée en tête. Côté pile, interviewer des personnalités apparemment inaccessibles pour une jeune journaliste française - comme l'impressionnante Toni Morrison, qui pourrait se confier sur les récentes émeutes raciales qui ont enflammé la ville. Côté face, elle doit se rapprocher, à la demande de sa mère, d'un oncle qu'elle connaît peu et qui vient de perdre sa femme à cause de son rigorisme religieux. New York s'offre décidément sous toutes les coutures, entre tensions raciales, communautés religieuses orthodoxes et vie culturelle palpitante... Et c'est là que la jeune femme fait une rencontre décisive en croisant la route de Barry, écrivain au carnet d'adresses imposant et au charme dévastateur.
En l'espace d'une poignée de semaines, ce n'est pas une mais plusieurs vies que l'irrésistible Éva va mener dans une ville dont elle épouse à la perfection l'éternel mouvement. Mais qu'est-ce qui fait courir Éva ?
L'idée de passer tout l'été coupés du monde angoissait Franck mais enchantait Lise, alors Franck avait accepté, un peu à contrecoeur et beaucoup par amour, de louer dans le Lot cette maison absente de toutes les cartes et privée de tout réseau. L'annonce parlait d'un gîte perdu au milieu des collines, de calme et de paix. Mais pas du passé sanglant de cet endroit que personne n'habitait plus et qui avait abrité un dompteur allemand et ses fauves pendant la Première Guerre mondiale. Et pas non plus de ce chien sans collier, chien ou loup, qui s'est imposé au couple dès le premier soir et qui semblait chercher un maître. En arrivant cet été-là, Franck croyait encore que la nature, qu'on avait apprivoisée aussi bien qu'un animal de compagnie, n'avait plus rien de sauvage ; il pensait que les guerres du passé, où les hommes s'entretuaient, avaient cédé la place à des guerres plus insidieuses, moins meurtrières. Ça, c'était en arrivant.
Serge Joncour raconte l'histoire, à un siècle de distance, d'un village du Lot, et c'est tout un passé peuplé de bêtes et anéanti par la guerre qu'il déterre, comme pour mieux éclairer notre monde contemporain. En mettant en scène un couple moderne aux prises avec la nature et confronté à la violence, il nous montre que la sauvagerie est toujours prête à surgir au coeur de nos existences civilisées, comme un chien-loup.
« L'aura de la horde plane au-dessus du cortège. La couleur du ciel est chamboulée. Les derniers nuages foutent le camp. D'en haut tout paraît simple et fluide. Le galop est une danse. Serait-il capable de remonter si l'occasion se présentait ? Serait-il en état ? Après tout ça. Alexandre a bien connu les chevaux dans une autre vie. »
Énigmatique et saisissant, le nouveau roman de Xavier de Moulins nous entraîne dans le monde des chevaux de course, devenu le refuge d'un homme abîmé par la vie. Les pur-sang l'aideront-ils à affronter ses fantômes et ses deuils pour traverser enfin sa nuit d'encre ?
"- Tu crois qu'il va venir ? m'a demandé Antoine en s'allumant une cigarette.
J'ai haussé les épaules. Avec Paul comment savoir ? Il n'en faisait toujours qu'à sa tête. Se souciait peu des convenances. Considérait n'avoir aucune obligation envers qui que ce soit. Et surtout pas envers sa famille, qu'il avait laminée de film en film, de pièce en pièce, même s'il s'en défendait.
- En tout cas, a repris mon frère, si demain il s'avise de se lever pour parler de papa, je te jure, je le défonce.
- Ah ouais ? a fait une voix derrière nous. Je serais curieux de savoir comment tu comptes t'y prendre...
Antoine a sursauté. Je me suis retournée. Paul se tenait là, dans l'obscurité, son sac à la main. Nous n'avions pas entendu grincer la grille. J'ignore comment il s'y prenait. Ce portillon couinait depuis toujours. Aucun dégrippant, aucun type d'huile n'avait jamais réussi à le calmer. Mais Paul parvenait à le pousser sans lui arracher le moindre miaulement."
« Tout L'Assommoir peut se résumer dans cette phrase Fermez les cabarets, ouvrez les écoles », écrivait Zola en 1877.
Afin d'atteindre son idéal - travailler, manger à sa faim et avoir toujours un endroit où dormir -, Gervaise, honnête blanchisseuse installée dans le quartier de la Goutte-d'Or, livre bataille à l'alambic du café voisin.
Triomphera-t-elle de la « machine à soûler » les travailleurs ?
Accusé de « bas-fondmanie » par les antinaturalistes, attaqué aussi par les républicains, qui lui reprochèrent d'avoir représenté le peuple sous des dehors hideux, Zola a voulu, dans le septième roman des Rougon-Macquart, « peindre la déchéance fatale d'une famille ouvrière, dans le milieu empesté de nos faubourgs ».
Roman sur les ouvriers parisiens du Second Empire, L'Assommoir a la langue et l'odeur de la misère.